lundi 22 novembre 2021

Pérégrinations roumaines, la suite !

 


Après Dracula et les vampires de Transylvanie c’est au tour des ours d’attirer notre curiosité. En effet il y a tout à côté de Brasov le plus grand sanctuaire d’ours bruns au monde. Il héberge plus de 130 ours rescapés d’une vie de misère en cage ou en tutu pour faire leur numéro dans les cirques voire complètement drogués pour permettre de vendre des selfies aux touristes. Cette ONG fait un travail formidable pour permettre à ces ours de revivre quasi normalement. Il faut savoir qu’au-delà de 3 mois un ours en captivité n’est plus capable de retourner à une vie normale dans son habitat naturel. Il est donc condamné à vivre en sanctuaire nourri, paisible mais en semi-liberté. Le sanctuaire n’est ouvert que le matin avec seulement 2 visites de 40 personnes max car il est important de préserver leur tranquillité. Depuis peu le sanctuaire a aussi été appelé pour récupérer des ours « sauvages » qui s’habituent un peu trop à la présence humaine (qui l’envahit) et du coup s’aventurent dans des zones de loisir ou d’habitation. Avant que la police ne les « neutralise », l’ONG essaie de les capturer. Mais acclimater un ours « sauvage » à une semi-liberté n’est pas la même histoire que redonner de l’autonomie à un ours transformé en peluche. Un nouveau challenge qui n’est pas près de s’arrêter. En effet lorsque nous avons bivouaquer à Brasov (au pied du Mont Tampa mais en ville) nous avons été réveillés à 1h20 du mat en sursaut par nos téléphones qui braillaient en mode alerte rouge. Passé les quelques secondes à percuter ce qui arrivait et 10 mn sur google trad pour comprendre le message qui s’affichait sur nos portables, le mystère s’est dissipé : un ours avait été repéré en ville dans notre quartier et on nous demandait d’éviter de sortir, de chercher à entrer en contact avec la bête ou de le nourrir. Renseignement pris le lendemain, ce genre d’alerte est assez courantes car les ours viennent faire les poubelles… quelle misère ! En résumé, on ne visite pas le sanctuaire pour « voir » les ours mais plutôt pour donner une contribution et aider le sanctuaire à continuer son travail.


A part ça Brasov est une très jolie ville qui fut le longtemps le carrefour commercial de la région. Les marchands saxons venaient y vendre leurs produits sur les marchés principaux aux détaillants locaux qui les revendaient dans leurs autres villages. A l’époque la ville était fortifiée et alors que les « saxons » vivaient richement à l’intérieur des remparts, les « roumains » eux étaient relégués à l’extérieur. Aujourd’hui c’est une ville touristique avec sa grand place cernée de beaux bâtiments et de restaurant à touristes, entourée de montagnes (d’où les ours) et de petites stations de ski. L’occasion d’une belle promenade urbaine dès lors que l’on a réussi à trouver une place pour garer la Citrouille, c’est-à-dire loin du centre…


Brasov sous le soleil !

Comme prévu nous quittons alors la Transylvanie pour rejoindre le Delta du Danube avec un stop dans les collines de Buzau pour voir les « mud volcano ». Au milieu de ces collines, il y a une forte activité sismique et de petits volcans crachotent en permanence une fine boue grise réputée comme il se doit pour toutes sortes de bienfaits (la peau, les articulations et j’en passe). C’est pour nous l’occasion de faire une belle traversée de ce massif uniquement pas les pistes sur 2 jours. Car ce massif fut aussi une zone d’exploitation pétrolière. Aujourd’hui seuls 2 ou 3 vieux derricks continuent de témoigner de cette activité mais les pistes sont là et nous en profitons pour sillonner des magnifiques paysages seuls au monde…ou presque ! 


Les collines de Buzau

Sur les pistes...seuls au monde !

Et il marche encore !


L’occasion aussi de faire le plein de « carnati de Plescoï » que nous avions découverts chez Liliana. Il s’agit de fines saucisses de mouton épicées. Ok je vous entends d’ici… non ce ne sont pas des merguez ! D’abord c’est du 100% mouton (je vous promets que l’odeur à la cuisson en témoigne) et puis les épices qui les aromatisent ne sont pas les mêmes. Mais quoiqu’il en soit elles bénéficient d’un IGP, sont fameuses et nous invitent forcément à préparer un couscous. C’est là que tout devient drôle car impossible de trouver de la graine de coucous… seulement de la semoule de blé ultra fine (plus proche de la farine que de la semoule) que l’Homme a passé un temps infini à rouler à la main pour tenter lui donner une consistance approchante. Et puis quand tu achètes des panais au lieu de navets (oui bon les étiquettes en roumain c’est pas très parlant) et bien là, tu te dis que le finalement tu inventes le couscous roumain.



Nous quittons donc la région du mouton pour traverser le Danube et rejoindre le Delta. Evidemment on musarde un peu en route un monastère par ci, un lac par-là, un petit village avec des ruelles si étroites que la Citrouille refuse de traverser (marche arrière, demi-tour et re-détours) et nous finissons par arriver à Tulcea. Passage rituel chez Lidl histoire de ravitailler le frigo et nous partons nous renseigner sur les horaires de bateaux pour s’enfoncer dans le Delta. En fait au niveau de Tulcea le Danube se sépare en 3 branches. La première et la plus au nord (dite de Chilia) sert de frontière avec l’Ukraine, celle du milieu permet de rejoindre la petite ville de Sulina au bord de la Mer Noire et la plus au sud dessert le petit village de pêcheurs de Sfantu Gheorghe (Saint Georges). 

Bivouac au bord d'un lac !

Le Danube !

Monastère de Cocos

Monastère de Cocos


Lac de Somova

En été les liaisons sont nombreuses et il y a un grand nombre de chambres d’hôtes et petits hôtels. Mais mi-novembre, il ne faut pas rêver… Au bureau de la compagnie on nous dit que le bateau pour Sulina part dans 45mn (il y en a 1 par jour) et que pour le retour c’est dans 48h départ à 7h du mat. La liaison dure 5 heures. Soit, un peu pris au dépourvu, il faut décider vite et nous retournons au camion au pas de course pour venir nous garer au port, préparer un sac, et embarquer dans la foulée. Trop contents que tout se passe avec autant de fluidité, ce n’est qu’en arrivant à Sulina de nuit dans un bled désert et avec aucune idée de l’endroit où nous allons bien pouvoir dormir qu’on réalise que nous sommes en novembre et que les bords de mer en novembre (qui plus est de nuit) c’est juste paumé et sinistre. Tous les hôtels que nous croisons sont fermés (ou en ruines), et mis à part les épiceries éclairées par un néon blafard et 2 chiens des rues qui errent sur le bord du Danube à la recherche de leur pitance, c’est ville morte. Aucun signe de vie. Blurps ! On a repéré sur gogol map une « casa oana » qui semble proposer des chambres, on tente notre chance. On commence par se tromper de porte et un monsieur nous indique la bonne maison. Pas de sonnerie, tu pousses le portail et un (autre) vieux monsieur qui ne parle pas un traitre mot d’anglais finit par comprendre notre requête. Il appelle le propriétaire qui heureusement arrive dans les 5 minutes (ah oui parce qu’il faut dire aussi qu’il y a du vent, que ça caille grave et que nous sommes toujours dans la cour). Quand il nous demande si on a réservé j’ai cru qu’il allait nous dire qu’il était fermé. Mais non, notre sauveur est en face de nous. Il nous montre une grande chambre dans la maison au fond de la cour, avec une belle salle de bain partagée (avec personnes puisque nous sommes seuls) et Christian finit par comprendre comment fonctionne le chauffage. Tout va bien ! Nous n’aurons pas à dormir sur un banc ou dans une des nombreuses Eglises (la grecque orthodoxe, la russe orthodoxe, la catholique, le temple lepoviste…). Vassili (oui on devient presque potes dans ces cas-là) nous indique même où nous pouvons manger dans le seul restaurant ouvert. Heureusement le lendemain sous un soleil resplendissant la ville nous semble beaucoup moins hostile. On va donc se balader jusqu’à la plage dont les équipements, les restaus et le nombre de parasols laissent à penser qu’en été c’est noir de monde. Petit détour par le cimetière cosmopolite avec son carré juif, son carré musulman, son carré catholique, son carré grec orthodoxe et son carré russe orthodoxe. Tout ce petit monde cohabite mais bien calé derrière ses rambardes quand même on ne sait jamais. Il y a même la fameuse tombe du pirate que les roumains ont surnommé le Robin des Bois (la seule tombe enregistrée en Europe comme étant celle d’un vrai pirate). Il a pillé plusieurs dizaines de galions chargés de marchandises à l’entrée du Danube pour les redistribuer. Bon en fait vu son nom Giorgios Kontoguris, il devait être grec. Mais on ne va pas chipoter. Les quais regorgent de propositions de promenade sur les canaux du Danube, sur les lacs qui bordent la Mer Noire et les canaux qui les relient. C’est le paradis des oiseaux mais tout comme les tenanciers d’hôtels et les agences qui proposent les balades en cette saison ils volent sous des cieux plus chauds… (les pélicans partent pour l’Ethiopie et eux sont sans doute à Ibiza) Il faut tout le flair et la perspicacité du Lion pour repérer un homme sur son bateau qui lui semble être capable de nous emmener en balade pour une heure ou 2.  Le gars s’appelle Luciano ( Captain Nemo pour les intimes que nous sommes devenus rapidement) et accepte de nous embarquer. Avec lui nous verrons des cormorans, nous frôlerons la frontière ukrainienne et il nous parlera du Sulina d’avant. Celui du temps où c’était un port franc avec des ateliers de chantier naval, des conserveries de poisson, un cinéma, un theatre, un grand hôtel… De la vie quoi. Aujourd’hui bien que le bras de Sulina soit le seul navigable pour les gros bateaux depuis la mer Noire jusqu’à Vienne et au-delà, tout est tombé en ruine. On sent dans sa voix comme un échos à ce que nous disait les vieux géorgiens, qui quelque part regrettaient le régime communiste. Selon Captain Némo c’est triste mais la Roumanie n’est même pas capable de maintenir en état l’Eglise qui, elle aussi, tombe peu à peu en décrépitude. Ce fut une chouette rencontre avant d’aller retrouver Vassili qui nous propose de manger à la Casa Oana le soir. Il nous fait de la friture de carpe (oui oui les roumains raffolent de ce poisson) et comme sa maison d’hôte est prévue pour l’été et bien on mange dehors…sur la terrasse avec le bonnet et la doudoune. Heureusement il y a Tuica et Palinca qui accompagnent le repas. Ce sont des gnoles qui se boivent en apéritif pour ouvrir l’appétit et le cas échéant comme ici accompagnent tout le repas. Il faut dire qu’une fois de plus l’eau du robinet n’est pas potable, donc tant qu’à mettre des bouteilles sur la table… Noroc ! (Santé en roumain dans le texte). Au final ce séjour à Sulina fut non seulement l’occasion de dire au revoir au Danube, de saluer la Mer Noire mais aussi de rencontrer de belles personnes et de découvrir une autre Roumanie que celles des montagnes et de la campagne. Le retour en bateau à 7 heure du mat est bien entendu moins drôle mais il fait toujours beau et nous profitons de cette dernière balade sur le Danube.

Beau coucher de soleil en "route" pour Sulina

Eglise Russe orthodoxe

La tombe de notre pirate !

On n'est pas gêné par le monde, mais il n'y a pas les transats !

Le lion et des copains du jour !

Balade sur les quais, là non plus pas gênés par le monde !

Les canaux du Danube

Dans 1 minute on est clandestins


Une barge au travail 


La carpe de Vassili !


Il y a du gros qui circule à Sulina!

Récompense d'un lever aux aurores...

La suite de notre parcours nous fait longer la Mer Noire qui est en fait bordée par de nombreux étangs et une longue zone de marécage qui rend les accès au bord de l’eau impossibles. Et quand cela devient possible c’est que vous êtes à Navodari et Constanta sur la Costa Brava roumaine. Une forêt d’immeubles et de béton qui se transforment en fiesta géante H24 l’été venu. En cette saison c’est aussi réjouissant que Benidorm ou Palavas les Flots au moi de janvier. Mais voyons le bon coté des choses on trouve des plages désertes pour se poser et passer la nuit avec seulement le bruit des vagues (et aussi celui des chiens qui ont décidé de monter la garde pour toi au pied du camion) et la circulation en ville, bien que chaotique, est tout à fait gérable. Si tant est que l’on accepte les règles de conduite locale : une voie d’arrêt d’urgence fait une parfaite 2eme voie de circulation, dans les rond points tu peux te faire passer à droite comme à gauche, si tu as besoin de t’arrêter, inutile de chercher une place tu t’arrêtes et tu mets les warnings. Personnes n’y trouvera à redire et nous avons ainsi fait le plein des réservoirs d’eau à un robinet de bord de route à 2 voies, tout simplement posés sur la 1ere file. Pas un seul coup de klaxon, pas une injure…

Au bord du Lacul Razim

Cetatea Enisala

Le Lion a encore des copains à nourrir !

La Mer Noire !

Pas chaud!


Bivouac les pieds dans l'eau... froide !

Quelques clichés de Constanta... en Novembre on se demande où sont les habitants !








Un piste... agricole, merci mapsme !

Monastère Saint André


Le soleil se couche aussi sur le Lac Bugeacului

une dernière traversée du Danube, à Silistra

Nous venons donc de quitter la Mer Noire pour nous diriger vers Bucarest qui sera notre dernière étape roumaine avant la Bulgarie… Cela fait un mois que nous traversons ce pays qui nous a réservés de biens jolies surprises et de chouettes rencontres. Et pourtant quand je regarde notre tracé, nous n’avons fait que traverser, il nous en restera donc encore à voir pour une prochaine fois…

Bisous à tous !