lundi 30 mai 2022

Dorodosli u Bosnu i Hercegovinu

 

Arrivée en République Serbe de Bosnie

Nous voilà donc arrivés dans ce pays tristement célèbre, et quand je dis tristement c’est sans doute parce que peu d’entre nous en connaissent le potentiel touristique mais personne n’ignore les horreurs qui s’y sont déroulées entre 1992 et 1995. Après la Gloire des Jeux Olympiques d’Hiver de Sarajevo en 1984, c’est ici qu’a eu lieu ce qui aurait du être la dernière guerre européenne avant que l’agression de l’Ukraine en février ne vienne déjouer les pronostics les plus optimistes et ne ravive quelques tensions dans ce pays triparties.

En effet, la Bosnie-Herzegovine est une République Fédérale des Balkans de 3,5 millions d’habitants constituée de 3 groupes ethniques : les Bosniaques, les Croates et les Serbes, ce qui correspond aussi à 3 religions : l’Islam, le Catholicisme et les Orthodoxes. Ils parlent la même langue : le chtokavien autrement dit le serbo-croate mais écrit en alphabet romain par les Bosniaques et les Croates et en alphabet cyrillique par les Serbes et le pays est administré par 2 entités autonomes : La Fédération de Bosnie et Herzegovie et la République Serbe de Bosnie. Chacune règne sur un territoire avec ses propres règles de justice, son propre système éducatif et son petit monde politique. En 1999, histoire de simplifier a été créé le territoire de Brcko (dans le nord du pays) à partir des terres des 2 entités. Il appartient officiellement aux 2 mais n'est régi par aucune des deux, et fonctionne sous un système décentralisé de gouvernement local.

Longtemps ce pays a été le cœur de la République Fédérale de Yougoslavie. Mais avec la mort de Tito, la chute du communisme et le début de la désintégration de la Yougoslavie, la doctrine de la tolérance a commencé à perdre de sa force, créant une opportunité pour les éléments nationalistes de la société d'étendre leur influence. On connait les conséquences et même si les accords de Dayton en décembre 1995 ont ramené la paix dans la zone, les tensions sont toujours palpables et il ne faudrait guère plus qu’une étincelle pour rallumer le feu.

Pour être honnête après la visite du Musée des Crimes de Guerre à Sarajevo on est en droit de se demander comment la cohabitation actuelle de communautés qui se sont massacrées est aujourd’hui possible.

Et pourtant, c’est un pays magnifique qui a fait beaucoup d’effort pour tout reconstruire, pour revaloriser son patrimoine architectural ottoman ou austro-hongrois et accueillir à nouveau les touristes sur ces bases et pas celle de la guerre. Même si au détour d’une rue, d’une Eglise ou d’une Mosquée surgit bien souvent une ruine criblée d’impacts de balles ou d’obus.

Après les montagnes albanaises, et le tourisme de masse de la Riviéra Monténégrine, cela nous a fait tout drôle d’arriver dans un paysage de campagne, paisible avec de larges vallées plantées de vignes, de vergers ou de cultures maraîchères. De nombreux stands au bord des routes vendent du miel mais aussi des cerises et des fraises locales.

Au-delà des villes emblématiques tel que Mostar ou Sarajevo le principal attrait touristique du pays réside dans ses lacs et ses cascades. Beaucoup de verdure, chaque rivière est aménagée comme une invitation à se poser

Que du local !

Un des nombreux ponts ottomans du pays à Trebinje

Domaine viticole du Monastère de Tvrdos

De quoi donner envie !

Le Monastère de Tvrdos


La Grotte de Vjetrenica, impressionnante par la taille

Vue de ma fenêtre au réveil


De Trebinje nous rejoignons Stolac et ses chutes d’eau qui animent encore quelques moulins à eau qui servaient autrefois à moudre le grain. Aujourd’hui de chouettes restaurants ombragés de tonnelles servent une cuisine locale et les fameux café bosniaques… de délicieux cafés turcs à la cardamone servis dans de petites tasses avec un loukoum. C’est très impressionnant de voir à quel point l’occupation ottomane qui remonte pourtant à plusieurs siècle est toujours aussi présente. On voit peu de locaux boire des bières (malgré la chaleur) mais il y a des terrasses de café partout avec des hommes qui boivent du café ou des sodas à longueur de journée à l’ombre des treilles.

Les chutes d'eau de Stolac

Notre premier café bosniaque !

Et un super repas local dans un resto au bord de l'eau...

C’est à Stolac en visitant la Nécropole de Radimlja que je découvre l’existence des Bogomiles… Le Bogomilisme est un mouvement chrétien du Xeme siècle née en Bulgarie et aujourd’hui disparut après avoir été farouchement combattue par l’Eglise Catholique. Jusque-là rien de passionnant sauf… que ce mouvement est considéré, si ce n'est comme en étant à l'origine, du moins comme ayant contribué à l'apparition du catharisme dans le Sud-Ouest de la France. Alors pour nous qui passons pas mal de temps au milieu des châteaux cathares, il y a comme une résonnance particulière.




La suite de notre périple nous conduit aux cascades de Kravica, un magnifique site où nous commençons à percevoir le développement touristique du pays : d’immenses panneaux publicitaires en font la promo (impossible de les rater), de gigantesques parkings (encore gratuits pour se caler pour la nuit), un droit d’entrée payable indifféremment en BAM (le Mark Convertible, la monnaie locale) ou en euros. Il faut dire qu’avec un taux de conversion de 0,5 en Bosnie vous pouvez tout payer indifféremment en BAM ou en euros, tant sur les lieux touristiques, qu’au supermarché ou au paysan sur le bord de la route. Autre découverte le mois de mai et celui des sorties scolaires… impossible de faire une visite sans que des bus ne viennent déverser un flot de gamins en continu. Nous avons eu beaucoup de chance pour la visite des Grottes de Vjetrenica. Le guide voyant notre tête un peu dépitée, nous a pris à part pour nous donner les explications en amont et nous a ouvert l’entrée pour nous tout seul 10 minutes avant de lâcher la meute. Ouf !

Les cascades de Kravica





Cadeau du pêcheur au bord de la rivière, de son jardin !

Mais à Kravica, on n’échappe pas à l’invasion et comme la « plage » est petite, on essaie de rester zen. Heureusement, nous, on reste sur place le soir quand le calme revient… et ce sera aussi le cas à Blagaj, un petit village typique avec sa forteresse, une maison de Dervish, et la source de la rivière Buna aménagée de moulins et de nombreux cafés et restaurants. Ici nous nous passons la soirée dans le jardin d’un particulier qui moyennant 5€ les 24h, met à disposition sa pelouse, des toilettes et le wifi. Sans parler de ses cerisiers qui croulent sous les fruits que nous sommes invités à cueillir. C’est un vrai business, toute la journée il y a pépé assis devant le portail qui repère le touriste et l’invite avec un grand sourire à s’installer. Chance nous étions seuls…


Dervish House à Blagaj à la source de la Buna river

Mais c’est bien la seule fois car le lendemain nous arrivons à Mostar, et là…c’est une autre affaire. On regrette rapidement la nature environnante. Comme souvent en ville on se pose sur un parking. Dans celui-ci on voit les bus défiler avec des flots de touristes de toutes nationalités. Le StariGrad de Mostar (vieille ville) ressemble au souk d’Istambul, on y retrouve autant de marchands et le même type de souvenirs, c’est à dire le service à café turc, les lampes en verroterie colorées, les coupelles en céramiques et les bijoux style ottomans. Sans parler des magnets à coller sur les frigos et les « chapelets ». Question fréquentation, on dirait le Mont Saint Michel ou la Cité de Carcassonne un 15 Aout. On se bouscule, et les troupeaux de badauds s’accumulent et s’entrechoquent dès lors que le guide s’arrête pour donner des explications. Les groupes se mélangent et les plus inquiets s’interrogent sur leur capacité à retrouver la tête du cheptel. D’autant que tous ne se déplacent pas sur les pavés lissés par le temps avec la même aisance et que les plus audacieux prennent le risque de s’arrêter pour acheter une glace.  Pas sure d’ailleurs qu’à la fin de la journée ils retournent tous dans le bon bus. Mais ça…pour le moment la chaleur est accablante et nous attendons avec impatience la soirée pour explorer la ville plus tranquillement. De jeunes garçons se donnent en spectacle en sautant du fameux pont de Mostar, celui que les serbes ont bombardé de 60 obus en direct sous les caméras des télévisions du monde entier durant la guerre. Ce concours de plongeon attire les curieux à tel point qu’il fait maintenant parti du circuit Red Bull Cliff Diving World Series et accueille l’élite des plongeurs chaque année. Notre balade nous conduira au delà de la vieille ville pour voir le siège de la Banque Staklena, autrefois tour de verre et aujourd’hui ruine à ciel ouvert après avoir servi de tour pour les snipers durant toute la guerre… 


Le fameux pont de Mostar detruit par 60 obus

On ne se sent pas seuls...

Un leitmotiv sur les pierres de Mostar


Le Razvitak, ancien grand magasin d'architecture brutaliste, du temps du communisme, une ruine.

The sniper tower

La nature donne une seconde vie aux ruines

Bruce Lee, la statue de la réconciliation de jeunes choisie par vote en 2004


Mais bon 24 heures de foule nous suffisent et c’est avec délice que nous retrouvons la nature et le lac Jablanica en route pour Sarajevo.


Spécialité locale : le mouton rôti, les broches sont mues par des roues a eau

Lac Jablanica


Stop pour visiter le célèbre bunker de Tito en route. Un abri antinucléaire ultra secret construit sous les yeux des habitants de Konjic sans que jamais ils ne s’en doutent. Ce bunker pouvait accueillir les 350 membres de l’élite yougoslave durant 6 mois. Ce n’est pas le premier que nous visitons mais tous sont aussi impressionnants. Ce sont de véritables villes souterraines avec les équipements dernier cri tant pour le traitement de l’air de l’eau que d’un point de vue de la communication ou des soins médicaux. Ce bunker situé sur un terrain encore militaire est tellement bien dissimulé que même aujourd’hui il nous a fallu faire des tours, des détours et des demi tours sur de micro route pour en trouver l’entrée.



La chambre de Tito : jamais servie !

Avant d’arriver à la capitale nous décidons d’aller faire un tour dans les montagnes de Sarajevo, celles qui ont accueilli les JO de 1984. Ce n’était pas si loin et pourtant la guerre est passée par là entre temps et ils ne restent pas grand-chose de ce moment de gloire passé. Ces montagnes qui entourent la Capitale ont malheureusement servi de bases aux Serbes durant le siège de Sarajevo qui a duré 3 ans, 9 mois et 7 jours. Nous nous posons au milieu des prés et à quelques centaines de mètres de l’Hôtel Igman. Cet hôtel, au top de la modernité, qui a accueilli les sportifs a par la suite servi de prison et de lieu de torture. De même les podiums sur lesquels les athlètes ont été médaillés ont servi de lieu d’exécution. Quand aux infrastructures comme les rampes de sauts, elles ne sont plus que des ruines de bétons qui se désagrègent avec le temps. Mais la nature reprend ses droits et le cadre est magnifique. C’est là, que nous rencontrons Alex et Eileen, un jeune couple d’allemands en route pour la Mongolie dans leur Defender ! Avec un tel véhicule on ne pouvait pas se rater, l’occasion d’évoquer quelques souvenirs et de passer un bon moment.



L'hotel Igman

Un beau lieu d'urbex...



La fontaine Sebilj
Nous voilà donc à Sarajevo, où nous avons réservé une chambre d’hôtel pour nous et un grand parking privé pour la Citrouille. Pour une fois, tout se passe comme annoncé et pas de souci pour se garer. La Pansion River borde la rivière Miljacka qui traverse la ville et se trouve à moins de 500m à pied de la vieille ville qui comme les autres ressemble … au souk d’Istambul. Ici aussi le tourisme est bien développé et on rencontre beaucoup de touristes musulmans. Des groupes d’hommes parlant arabes et des familles avec les femmes vêtues comme Belphégor et la tripotée d’enfants qui gravite autour. Tous les restaurants du vieux centre proposent une cuisine Halal dont la spécialité est le Cevapcici (prononcé Tsévaptchitsi) et qui consiste en de longues boulettes de viandes aromatisées servies dans des pains creux avec de la crème et des oignons émincés. Et si vous voulez un dessert vous trouverez des dizaines de marchands de baklawa et de loukoums, à moins que vous ne préfériez un cornet de glace bien crémeux.







Pont latin où fut tué l'Archiduc Ferdinand ce qui déclencha la 1ere guerre mondiale

Un échantillon des sucreries disponibles...

Ici aussi on se rend compte à quel point les bosniaques ont pris beaucoup de soins à reconstruire tout ce que le siège de la ville avait détruit. Et difficile d’imaginer ce que fut la vie dans ces rues assiégées pendant plus de 3 ans, le plus long siège d’une ville de l’Histoire Moderne. On estime à plus de 10000 le nombre de morts civils et une moyenne de 329 impacts d’obus par jour pendant toute la durée du siège. La visite du Musée des Crimes de guerre nous laissera un gout amer, car tout cela s’est déroulé à notre porte et il n’y a pas si longtemps, les témoignages et les images des reportages TV nous paraissent si proches et les récits sont terrifiants. On ne peut alors s’empêcher de penser à l’Ukraine et à l’impuissance de l’Europe dans ce conflit comme dans celui de la Bosnie à protéger les populations.


La bibliothèque Nationale, monument national... reconstruit !

Immeuble Perroquet d'inspiration brutaliste avec une touche de fantaisie


Musée des crimes de Guerre, chaque visiteur est invité à laissé un message, une trace.

Voilà, demain nous quittons Sarajevo et notre route va prendre une orientation Nord-Ouest pour nous conduire peu a peu vers la Croatie, mais d’ici là on vous fera partager d’autres découvertes dans ce pays vraiment très agréable et facile à vivre, grâce à une population particulièrement chaleureuse, accueillante et qui fait tout pour vous mettre à l’aise et vous faire plaisir. 

Nous en Village People, parce que le plafond de la grotte est bas !